lundi, août 12, 2013

Les gardiens de la parole

6H00
La sonnerie électronique me sort d’un coup de mon profond sommeil, volume quasiment au maximum pour avoir la certitude d’être réveillé.
Bruits d’eau : chasse d’eau, douche, bouilloire, thé qui infuse, robinet, chasse d’eau.
KRGANG KRANG - Verrou fermé à double tour. J’attends l’ascenseur. Porte qui claque. Les étages défilent au son métallique des paliers. La rue, enfin : 6 voitures, 2 camions, 3 motos.

L’aperçois le gardien sur le trottoir d’en face :
«- Bonjour !
- Bonjour ! »

Plongée en sous-sol et ses machines sans âme, machines bruyantes, machines vibrantes, usantes, criantes, harassantes.
La rame traverse les tunnels dans un vacarme de portes qui vibrent, de crissements aigus des freinages intempestifs, de décibels de trop pour les sonneries des portes. Impensable de ne pas subir la voix répétitive préenregistrée annonçant chaque station (je crève d’envie de les enregistrer et de les mixer dans un ordre aléatoire).
A l’intérieur, les gens se bousculent sans élégance, s’enjambent sans tact, se compressent sans retenue. Les strapontins claquent quand une personne se décide à laisser un peu de place. Claquent les portes, les pas, les tourniquets.

Puis me voilà dans le grand hall de la gare centrale.
Annonce des quais des horaires des voitures, toujours cette même voix d’infos amalgamées, ce même timbre de ‘Madame trains’ vomie en continu de par les gares, les quais, les chiottes du réseau.
Vacarme à nouveau, assourdissant, des motrices des trains rapides, vrombissements des machines en surchauffe, jets de pression, longs coups de freins stridents qui vrillent les tympans.
La horde de voyageurs se rue vers les wagons mais chacun y va de son chemin : accrochage de valises, charriots, gamins, gens pressés et pas pressés, odeur de tabac, couloirs étroits des voitures, sacs qui s’entassent…

 «  Bonjour ! Vos billets s’il vous plaît ? »
Enfin une voix.
Mes oreilles se relâchent. Elles ne sont sûrement pas faites pour entendre autre chose que le son d’une voix.
Enfin une voix, un autre gardien de la parole.

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